La parole a été donnée à l’homme pour cacher sa pensée… »

Tous les discours spirituels séduisants, tous les textes admirables constitués d’innombrables sublimités, tous les propos élevés, toutes les déclarations les plus emplies de componctions dévotes, toutes les attitudes feignant la piété, s’ils ne sont pas fondés sur une anthropologie véritable qui passe par un aveu sincère et une reconnaissance honteuse de l’état de dégradation dans lequel croupit une masse humaine infectée depuis l’origine par la duplicité, empoisonnée dans ses gènes les plus intimes par les terribles effets du mensonge et de la désobéissance, ne sont au final que de pitoyables écrans de fumée, se révélant un stérile remplissage pseudo-savant qui se transforme en une multitude d’ouvrages inutiles prenant la poussière sur les rayons des bibliothèques, ne participant au fond que du vain babillage, plus ou moins élaboré et habile, masquant la profonde corruption de l’ensemble des créatures qui composent le genre humain depuis l’origine des temps.

C’est ce que nous donne à voir d’ailleurs, l’invariant spectacle, ceci depuis l’aube des siècles, des littérateurs spirituels et auteurs inspirés, qui s’habillent d’expressions élégantes et de tournures phraséologiques sophistiquées, capables de rédiger parfois d’imposants pensum en jouant un rôle de répétiteurs superficiels, ou plus exactement de parfaits « perroquets », multipliant à l’excès les textes, déclarations, discours, thèses et traités volumineux l’ensemble représentant une masse tout à fait gigantesque d’écrits savants, emplis de références et fortement documentés, tout en se comportant dans le même temps, et parallèlement, comme de pauvres et sinistres animaux sur le plan de leurs vies, au point qu’il soit nécessaire de douter, non sans raison, de la parole prononcée avec emphase comme des propos laborieusement rédigés par l’homme – la fausseté permanente qui tient lieu de vêtement à l’âme corrompue se résumant, le plus souvent, à cette célèbre sentence si juste et singulièrement pertinente, provenant d’un ecclésiastique membre de la Compagnie de Jésus qui fit preuve d’une remarquable lucidité : « La parole a été donnée à l’homme pour cacher sa pensée [1]

Le Phénix Renaissant, « La Science de l’Homme», Éclaircissements sur la double nature, n° 5, 2019, pp. 101-102.

Note.

[1] La phrase est attribuée au Père Gabriel Malagrida (1689-1761), jésuite italien – envoyé en mission au Brésil en 1721, puis appelé, à la demande de Marie-Anne d’Autriche mère de Joseph 1er, à la cour du Portugal en 1754 lors de son retour en Europe en raison de sa réputation de sainteté -, par Stendhal (1783-1842), dans son roman le « Le Rouge et le Noir », en tête du chapitre XXII : « La parole a été donnée à l’homme pour cacher sa pensée », (Cf. Le Rouge et le Noir, Michel Lévy frères, 1854, p. 133).