Ayez donc bon courage ; fortifiez-vous en Notre-Seigneur ; préparez-vous à combattre les puissances de l’air et vos propres passions ; dépouillez le vieil homme et, en vous revêtissant du nouveau, réformez-vous par le renouvellement de vos esprits et de vos cœurs, qui est le seul but et la fin véritable de toute réforme et de toute discipline. »

L’approche de la « Vérité », savait saint Augustin (+ 430) qui y consacra tant de pages extraordinaires [1], ne peut s’envisager sans une participation entière de l’homme par toutes les fibres de sa personne, car il n’y a pas de discours possible de « l’extérieur », en spectateur étranger et passif, en tant qu’observateur distancié, non impliqué et neutre, à l’égard de ce qui ne peut que nous traverser, nous habiter pour ne faire plus qu’un « avec », pour ne faire plus qu’une seule et unique réalité effective, visible et invisible, avec cette même « Vérité » éternelle qui porte pour nom sublime : « Caritas » !

La compréhension de la signification réelle de l’Incarnation, c’est donc la nécessité pour chacun d’entre les hommes en quête de l’essentiel, de devenir à son tour – en se faisant autre que ce à quoi son moi possessif le réduit, en se dessaisissant dans un jaillissement nuptial -, une même et identique substance de « Vérité » avec la « Vérité » elle-même, l’ontologie transcendante obligeant à cette désinstallation salvatrice qui nous immerge au sein du « Vrai », l’abandon absolu, c’est-à-dire l’acceptation du sacrifice de notre volonté-propre, pouvant seul nous y introduire, car il est, intrinsèquement et nativement, une puissance libératrice, un souffle imprévisible, un don qui ne connaît que la surabondance stupéfiante.

De la sorte, l’œuvre à entreprendre peut, à bon droit, être désignée du nom de « Réformation », car c’est de cela dont il est question, de se « réformer », c’est-à-dire se dépouiller du « vieil homme » et revêtir l’homme nouveau régénéré par l’Esprit-Saint :  « Ayez donc bon courage ; fortifiez-vous en Notre-Seigneur; préparez-vous à combattre les puissances de l’air et vos propres passions ; dépouillez le vieil homme et, en vous revêtissant du nouveau, réformez-vous par le renouvellement de vos esprits et de vos cœurs, qui est le seul but et la fin véritable de toute réforme et de toute discipline. Mais de peur que, selon la fragilité commune à tous les hommes, votre esprit ne se laisse abattre dans une entreprise si difficile, en se voyant privé de cette fausse consolation que donnent les plaisirs et les vanités du siècle, donnez à Dieu tout cet amour que vous avez retiré des choses du monde. Et puisque vous vous êtes consacrés à son service, rendez-le l’unique objet et l’unique centre de toutes vos affections […] [2]

Le Phénix Renaissant, « La Science de l’Homme», Éclaircissements sur la double nature, n° 5, 2019, pp. 104-105.

Notes.

[1] « À chaque page de saint Augustin, on lit le mot de vérité. À cette insistance on devine une inspiration fondamentale qui, dans un esprit comme celui d’Augustin, ne peut venir que du centre même de sa philosophie. » (C. Boyer, L’idée de Vérité dans la philosophie de saint Augustin, Beauchesne, 1920, p. 1.)

[2] C. Jansen, Discours de la Réformation de l’homme intérieur, où sont établis les véritables fondements des vertus chrétiennes selon la doctrine de St-Augustin, Louvain, 1675.