« Ces trois états de Cherchant, de Persévérant et de Souffrant sont tellement liés dans l’homme de désir qu’on a cru devoir vous les rappeler ensemble en vous les retraçant par chacun de vos voyages. Les trois voyages dans l’obscurité vous ont figuré la carrière pénible que l’homme doit parcourir […] L’épée sur le cœur désigne le danger des illusions auxquelles il est exposé pendant sa course passagère […] Les ténèbres qui vous environnaient vous désignent aussi celles qui couvraient toutes choses dans le principe de leur formation. Enfin le guide inconnu … vous figure ce rayon de lumière qui est inné dans l’homme, par lequel seul il sent l’amour de la vérité et peut parvenir jusqu’à son Temple. »

Dans une lettre tardive à Jean de Turckheim (1749-1824), deux ans avant son retour au Ciel, Jean-Baptiste Willermoz, faisant d’ailleurs à ce propos la démonstration d’une impressionnante constance sur le plan de la vie initiatique et de son attention maintenue pour les sujets qui en relèvent, délivrait une instruction du plus haut intérêt relative à la question des domaines différents en leurs origines, abordant indirectement la question des « deux vies » qui cohabitent en l’homme, par une mise en regard des deux puissances que sont « l’esprit » et le « cœur », dans leur situation à l’intérieur de la créature : « Je distingue ici l’esprit et le cœur parce que ce sont deux puissances ou facultés intellectuelles qu’il ne faut point confondre. L’esprit voit, conçoit, raisonne, compose, discute et juge tout ce qui lui est soumis. Le cœur sent, adopte ou rejette et ne discute point ; c’est pourquoi je n’ai jamais été éloigné de penser que l’homme primitif pur, qui n’avait pas besoin de sexe reproductif de sa nature, puisqu’il n’était pas encore condamné, ni lui ni tous les siens à l’incorporisation matérielle qui fait aujourd’hui son supplice et son châtiment, eut deux facultés intellectuelles inhérentes à son être, lesquelles étaient vraiment les deux sexes figuratifs réunis en sa personne, mentionnés dans la Genèse, dont les traducteurs et les interprètes ont si complètement matérialisé les expressions dans les chapitres suivants, qu’il est presqu’impossible d’y connaître aucunes vérités fondamentales. Car par l’intelligence dont le siège réside nécessairement dans la tête, il pouvait, comme il peut encore, connaître et adorer son Créateur, et par la sensibilité qui est en lui l’organe de l’amour et dont le siège principal est dans le cœur, il pouvait l’aimer et le servir, ce qui complétait le culte d’adoration, d’amour et de gratitude qu’il lui devait en esprit et en vérité [1]

Ces lignes nous confirment une chose, c’est qu’en réalité, les « deux vies », l’une matérielle et l’autre spirituelle, sont dans la situation actuelle unies en l’homme par l’intermédiaire actif d’une troisième puissance, ou d’un « troisième principe », qui est « l’âme », l’âme qui anime la créature conférant l’énergie dynamique à toute vie terrestre, dont la couleur rouge manifeste l’action au centre du double triangle, force génératrice du ternaire, se retrouve dans les trois états qu’aura à retracer sur lui-même le candidat au cours de sa vie maçonnique, que l’on figurera par les trois voyages emblématiques à la symbolique puissante et suggestive, amenant « l’homme de désir » à effectuer, concrètement, le lent chemin de réédification spirituelle et de remontée vers sa « Source première » : « Ces trois états de Cherchant, de Persévérant et de Souffrant sont tellement liés dans l’homme de désir qu’on a cru devoir vous les rappeler ensemble en vous les retraçant par chacun de vos voyages. Les trois voyages dans l’obscurité vous ont figuré la carrière pénible que l’homme doit parcourir, les travaux immenses qu’il a à faire sur son esprit et sur son cœur, et l’état de privation où il se trouve lorsqu’il est abandonné à ses propres lumières. L’épée sur le cœur désigne le danger des illusions auxquelles il est exposé pendant sa course passagère, illusions qu’il ne peut repousser qu’en veillant et en épurant sans cesse ses désirs. Les ténèbres qui vous environnaient vous désignent aussi celles qui couvraient toutes choses dans le principe de leur formation. Enfin le guide inconnu qui vous a été donné pour faire cette route vous figure ce rayon de lumière qui est inné dans l’homme, par lequel seul il sent l’amour de la vérité et peut parvenir jusqu’à son Temple[2]»

Le Phénix Renaissant, « La Science de l’Homme», Éclaircissements sur la double nature, n° 5, 2019, pp. 97-99.

Notes.

[1] Jean-Baptiste Willermoz, Lettre à Jean de Turckheim, 25 mars 1822.

[2] Rituel du grade d’Apprenti, 1802.