« L’esprit sera la seule réalité et la matière une apparence destinée à se résorber lorsque l’esprit n’aura plus besoin d’un support pour agir et penser, c’est-à-dire lorsqu’il aura reconquis sa puissance originelle perdue dans le procédé involutif des émanations divines […] l’esprit est la seule réalité. »
La doctrine traditionnelle de l’initiation selon Jean Bricaud (1881-1934) – correspond à l’enseignement dispensé à ses disciples par Martinès de Pasqually († 1774), et dont le Régime Rectifié a été providentiellement l’héritier et demeure son conservateur -, est ainsi présentée en 1934, une année avant le « réveil » de l’Ordre, ce qui évidemment ne laissa pas insensible Camille Savoire, qui était parvenu, au cours de son cheminement personnel, à souscrire entièrement à une telle analyse affirmant que l’origine des thèses martinésiennes se trouve dans « l’alexandrinisme », dans « la doctrine ésotérique du Christ », et tout « spécialement dans la Gnose » :
« Tout d’abord, précisons que rien n’est changé aux bases théoriques de Martinez. Le but à atteindre est et sera toujours : la spiritualisation des individus et des sociétés. L’ennemi est toujours identique : le matérialisme doublé de l’agnosticisme. Mais cette doctrine délétère a multiplié ses forces par toutes les conquêtes scientifiques réalisées depuis cent cinquante ans, et la philosophie qui l’étaye a complété son arsenal par les arguments du subjectivisme, du synthétisme et autres systèmes modernes. Elle est donc plus redoutable que jamais.
C’est pourquoi, si l’on veut implanter le spiritualisme dans les milieux actuels, il faut partir de bases scientifiques irréfutables, faire la part de la matière et des phénomènes dont elle est le siège et la part de l’élément divin, c’est-à-dire de l’esprit. Donc, à la base de la doctrine martiniste se trouvera une psychophysiologie déterminant le rôle du corps, de l’âme et de l’esprit. Elle conduira l’adepte à la conviction scientifique d’un esprit recteur et, pour ainsi dire, créateur, et d’une matière servile, simple modalité de l’esprit nécessitée par les contingences spatiales et temporelles.
L’esprit sera la seule réalité et la matière une apparence destinée à se résorber lorsque l’esprit n’aura plus besoin d’un support pour agir et penser, c’est-à-dire lorsqu’il aura reconquis sa puissance originelle perdue dans le procédé involutif des émanations divines. Ainsi, la psychologie martiniste conduit à la prépondérance, puis à la primordialité de l’esprit, pour conclure qu’il est la seule réalité. Pour elle, le corps et les séries phénoménales dont il est l’origine sont un résultat instable obtenu par la dispersion des éléments spirituels primitivement émanés par le Principe Divin. L’involution de ses éléments spirituels constitue la cosmogonie dont le développement s’adapte avec rigueur à l’ensemble des théories astronomiques, géologiques et biologiques modernes. Comment ils ont été émanés, puis appelés à s’involuer, tel est le but de la théodicée ou plutôt de la théologie martiniste, dont il faut chercher les racines profondes dans les tréfonds de la pensée humaine ; mais, plus près de nous, dans l’alexandrinisme et la doctrine ésotérique du Christ, spécialement manifestée dans la Gnose [1].
Le Phénix Renaissant, « 90ème anniversaire de la constitution du ‘‘Grand Directoire des Gaules’’, et ‘‘réveil’’ du Régime Écossais Rectifié en France (1935-2025) », n° 10, 2025, p. 91-93.
Note.
[1] J. Bricaud, Notice historique sur le Martinisme, Éditions des Annales initiatiques, 1934, p. 13-14.