« Le premier homme, dans son état d’émanation, était contemplatif […] Il est déchu de cet état de contemplation, puisqu’il ne fait plus opérer ces faits et qu’il faut au contraire que ces mêmes agents opèrent sur lui pour le rétablir dans sa loi première. Il est actuellement sous une loi d’action temporelle spirituelle et corporelle dans laquelle il doit persévérer constamment pour se réunir aux agents qui actionnent sur lui..

Si l’on souhaitait une confirmation de la sensibilité augustinienne de Jean-Baptiste Willermoz relativement à la question de l’action de la « grâce », les précisions de l’instruction du 8 mai 1776 aux Elus Coëns de Lyon, nous la fournissent amplement, puisqu’on peut y lire que, déchu de ses droits premiers, l’homme est actuellement placé sous l’effet d’une « loi d’action temporelle spirituelle et corporelle » qui l’oblige à « se réunir aux agents qui actionnent sur lui », lui imposant de façon impérieuse à ne point se perdre dans la contemplation de ses propres œuvres – qui d’ailleurs ne sont point véritablement les siennes puisqu’elles lui sont permises par l’entremise d’agents qui interviennent par ordre de la Divinité -, sous peine de tomber inévitablement dans le péché d’orgueil qui perdit Adam :

Voici ce qu’écrit Jean-Baptiste Willermoz

« Le premier homme, dans son état d’émanation, était contemplatif c’est-à-dire que, étant chef pour diriger toutes les actions temporelles, il voyait s’accomplir sous ses yeux tous les faits qu’il faisait opérer par ses agents. Il est déchu de cet état de contemplation, puisqu’il ne fait plus opérer ces faits et qu’il faut au contraire que ces mêmes agents opèrent sur lui pour le rétablir dans sa loi première. Il est actuellement sous une loi d’action temporelle spirituelle et corporelle dans laquelle il doit persévérer constamment pour se réunir aux agents qui actionnent sur lui. Il doit donc ici toujours agir et éviter de se livrer à la contemplation de ses œuvres, quelques bonnes choses qu’il croit avoir faites, parce que c’est le moment où l’orgueil s’insinue plus facilement chez lui […] ce fut ces instants que l’être pervers saisit pour l’approcher et lui présenter un plan d’opération mauvaise qu’il eut le malheur d’adopter [1]

De ce fait, si notre âme est portée vers le bien, si nous réalisons de bonnes actions et que nous prodiguons des bienfaits à notre prochain, ne nous attribuons pas indument les mérites de ces actes, mais remercions la Divinité de nous avoir prodigué les « dons de l’esprit » nécessaires à l’accomplissement des « œuvres de vérité », en nous permettant de nous faire les ministres de sa sainte volonté :  « Si nous avons le bonheur de faire quelque bonne action, d’avoir un bon désir, de faire une prière fervente ou de recevoir même quelque faveur de la grâce divine, ne nous arrêtons pas à la satisfaction que nous pourrions trouver à contempler notre état. C’est le moment où la pensée d’orgueil nous est suggérée. Si nous l’adoptons, nous retombons dans les ténèbres et le désordre. Redoublons au contraire notre action, parce que, lorsque nous éprouvons quelque bien, c’est lorsque notre guide s’approche de nous pour nous communiquer les dons de l’esprit. Il nous est bien plus aisé alors d’accélérer et augmenter notre jonction avec lui que lorsqu’il est éloigné, que nous sommes dans le refroidissement ou dans le désordre [2]. »

Le Phénix Renaissant, « L’immortalité de l’âme, son ‘‘émanation’’ et sa ‘‘réintégration’’ selon le Régime Écossais Rectifié », n° 7, 2021, pp. 144-145.

Notes.

[1] Les leçons de Lyon, n° 97, 8 mai 1776.

[2] Ibid.