« Il existe dans la nature et principalement pour le mineur-homme, pour l’Adam dégradé et puni, deux vies très distinctes qu’on ne peut jamais confondre sans tomber dans les plus grands dangers ; l’une est la vie spirituelle-active ou de l’esprit, l’autre est la vie universelle passive qui est celle de la matière... »
Outre la forme dégradée en une sorte de « prison » qui devint la sienne [1], un autre changement intervint dans la nature d’Adam après sa prévarication – et non des moindres, lui qui pourtant avait été pourvu de facultés actives d’une grande puissance en image et ressemblance du Créateur d’où son nom « d’homme-Dieu » [2] -, puisque son âme fut divisée en deux tendances opposées, deux tendances antagonistes qui allaient constituer désormais, hélas, l’état d’être au monde permanent de notre premier père selon la chair et de sa postérité [3].
Voici ce qu’explique Jean-Baptiste Willermoz, qui fait preuve d’un sens remarquable de pédagogie doctrinale, s’agissant des « deux vies », ou « deux âmes » qui sont présentes dans l’homme dégradé après avoir trahi la mission qui lui avait été confiée par le Créateur : « Il existe dans la nature et principalement pour le mineur-homme, pour l’Adam dégradé et puni, deux vies très distinctes qu’on ne peut jamais confondre sans tomber dans les plus grands dangers ; l’une est la vie spirituelle-active ou de l’esprit, l’autre est la vie universelle passive qui est celle de la matière [4]. »
Les explications fournies par Willermoz sont à mémoriser de façon très sérieuse, car de cette connaissance dépend la manière dont l’homme va discipliner sa vie, et surtout comment il sera en mesure de faire face aux désirs contraires qui l’animent et l’agitent en lui faisant commettre des actes si opposés à ses aspirations spirituelles, incapable de résister à la puissance attractive des sens et de la chair, le réduisant à un vil animal dominé par ses instincts primaires, partagé entre la « vie de l’esprit », domaine de l’âme active provenant d’une émanation, et la « vie animale », ou « âme passive » commune à toutes les espèces créées pour y subsister à la surface de la terre, qui en réalité nous est étrangère, car ne correspondant pas à ce qui fut notre nature purement spirituelle lors des premiers temps de notre émanation : « La vie de l’esprit n’est pas créée, mais elle est émanée avec l’être qui en jouit, du sein de Dieu où il l’a puisée. Elle est immortelle, indestructible, intelligente et active […] La vie animale passive, nommée aussi âme universelle du Monde créé, n’est que passagère, n’étant émané que pour un temps par les êtres spirituels-inférieurs, agents de la puissance sénaire du créateur qui reçurent de lui dès l’origine des choses créées, l’ordre et la puissante faculté d’émaner d’eux et de produire de leur propre feu cette vie générale qui anime, entretient et conserve pour le temps déterminé la masse entière de la création… [5]. »
Jean-Baptiste Willermoz poursuit : « Elle était tout à fait étrangère à l’homme dans son état primitif de pureté et d’innocence, mais depuis que par sa prévarication il a perdu ses premiers droits et s’est assimilé aux autres animaux, il a été condamné à vivre temporellement de la même vie qui était commune à tous les autres, et le distinguera éternellement de tous les animaux qui n’ont jamais participé à cette vie [6].»
Le Phénix Renaissant, « L’immortalité de l’âme, son ‘‘émanation’’ et sa ‘‘réintégration’’ selon le Régime Écossais Rectifié », n° 7, 2021, pp. 133-134.
Notes.
[1] « Cette prison n’était autre chose que le changement de forme glorieuse en forme matérielle et passive. La forme corporelle qu’Adam créa n’était point réellement la sienne, mais c’en était une semblable à celle qu’il devait prendre après sa prévarication. » (Traité, § 23).
[2] « Adam, ayant ainsi opéré et manifesté sa volonté au gré du Créateur, reçut de lui le nom auguste d’homme-Dieu de la terre universelle, parce qu’il devait sortir de lui une postérité de Dieu et non une postérité charnelle. Il faut observer qu’à la première opération Adam reçut la loi ; à la seconde, il reçut le précepte et à la troisième, il reçut le commandement. Par ces trois sortes d’opérations nous devons voir clairement, non seulement quelles étaient les bornes de la puissance, vertu et force que le Créateur avait données à sa créature, mais encore celles qu’il avait prescrites aux premiers esprits pervers. » (Traité, § 10).
[3] En complément, concernant l’état de division dans lequel se trouve Adam et sa descendance depuis le péché originel, on pourra se reporter au Phénix Renaissant n°5, « La Science de l’homme », Éclaircissements sur la double nature, ch. II – « Les « deux vies » opposées et antagonistes en l’homme » : a) Les deux ordres de réalité en l’homme ; b) Les « deux âmes » de la créature corrompue par le péché originel ; c) distinction entre la vie spirituelle-active et la vie passive de la matière, 2019, pp. 28-38.
[4] J.-B. Willermoz, 9ème Cahier, Explications préliminaires servant d’introduction aux chapitres suivants qui contiennent la description des faits spirituels concernant la création de l’Univers physique, temporel, et de ses parties principales…
[5] Ibid.
[6] Ibid.