La justice de Dieu, justement irritée de l’excès d’ingratitude de l’homme qui venait d’abuser si horriblement de son amour et de ses dons, prononça un jugement effroyable contre lui, et par une suite nécessaire, contre toute sa postérité ; il le condamna à la mort dont il l’avait menacé en cas d’infidélité. Il l’expulsa et le chassa ignominieusement du centre glorieux qu’il venait de souiller, et le précipita dans les entrailles de la terre, où il fut assujetti à se revêtir d’un corps de matière, avec lequel il vint ramper sur la surface avec les autres animaux, auxquels il venait de s’assimiler

Le Divin Réparateur est venu démontrer, qu’il était possible pour l’homme en se dégageant des illusions trompeuses, de se placer sur le plan supérieur et de participer pleinement de sa véritable essence, en se détachant de la matière pour accéder à la région spirituelle pure, s’écartant d’une dégradation dont les conséquences pouvaient aller jusqu’au « néant », ce terme se référant, selon Jean-Baptiste Willermoz à l’enveloppe charnelle de forme apparente dont la créature est aujourd’hui recouverte : « Eh ! quoi, l’homme image et ressemblance divine tant défigurée soit-elle, pouvait-il rentrer dans le néant ? tandis que l’esprit qui par son orgueil est devenu le principe du mal et qui emploie toute son existence à le perpétuer, n’a pu être anéanti, et conserve encore ainsi que ses adhérents, toute l’activité de sa nature spirituelle ? Non cela ne peut se concevoir. Si par le néant dont ils accablent l’homme, ils veulent parler de son corps matériel, nous reconnaissons avec eux que ce corps est un néant, parce que la matière générale dont ce corps est une faible partie, n’ayant point de réalité, mais seulement une apparence qui doit disparaître un jour, est véritablement un néant ; mais le corps de l’homme peut-il être son être essentiel ? Pourquoi donc confondre son être réel avec son enveloppe passagère ? [1]»

La raison, nous le savons, de cette terrible situation, est consécutive à l’insoumission et à la désobéissance d’Adam, dont une juste sentence est venue sanctionner les fautes commises envers l’Éternel ; mais cette situation, depuis l’origine, est insupportable pour l’âme rebelle, qui en refuse l’application, en nie catégoriquement les raisons et en repousse comme chimériques et fausses les conséquences, préférant s’illusionner plutôt que de poser avec vérité, mais surtout rigoureuse « sincérité », selon Jacques-Bégnigne Bossuet (1627-1704), la plus « aimable » des vertus chrétiennes [2], un regard honnête sur son état présent.

La réalité, certes non glorieuse pour l’homme et qui contrarie sa vaniteuse rêverie, c’est qu’il fut frappé sévèrement à cause de son inconduite, et qu’il a été ramené au rang des plus vils animaux auxquels, extérieurement du moins, la Divinité l’assimila, afin de lui montrer quelle était devenue l’hideuse « ressemblance » qu’il héritait d’Adam comme étant la sienne désormais, de sorte d’humilier son orgueilleuse prétention : « La justice de Dieu, justement irritée de l’excès d’ingratitude de l’homme qui venait d’abuser si horriblement de son amour et de ses dons, prononça un jugement effroyable contre lui, et par une suite nécessaire, contre toute sa postérité ; il le condamna à la mort dont il l’avait menacé en cas d’infidélité. Il l’expulsa et le chassa ignominieusement du centre glorieux qu’il venait de souiller, et le précipita dans les entrailles de la terre, où il fut assujetti à se revêtir d’un corps de matière, avec lequel il vint ramper sur la surface avec les autres animaux, auxquels il venait de s’assimiler [3]

Le Phénix Renaissant, « La Science de l’Homme», Éclaircissements sur la double nature, n° 5, 2019, pp. 44-46.

Notes.

[1] Jean-Baptiste Willermoz, FM 509 (3e Cayer [C]), Bibliothèque Nationale de Paris, I. « De la liberté et des facultés des êtres spirituels et de leur émancipation ».

[2] Bossuet déclare en effet, commentant un passage de l’Évangile – “Vous avez encore ouï qu’il a été dit aux anciens : ‘‘tu ne parjureras pas mais tu rendras justement au Seigneur tes serments’’. Mais moi je vous dis de ne pas jurer du tout ; ni par le ciel, car il est le trône de dieu, ni par la terre, car elle est le marchepied de ses pieds ; ni par Jérusalem, car elle est la ville du grand Roi. Tu ne jureras pas non plus par ta tête, car tu ne peux faire blanc ou noir un cheveu. Mais que votre parole soit : ‘‘Oui, oui ; non, non’’ ; car ce qui est de plus vient du mal » (Matthieu V, 33-37) -, que la « sincérité » est la plus « aimable » des vertus chrétienne, mais aussi la plus essentielle, car d’elle dépend l’authenticité de toutes les autres .» (Bossuet,  Méditations sur les Évangiles, Sermon sur la montagne, 1709).

[3] Jean-Baptiste Willermoz, 2ème Cahier, « Réponse à la 1re Question du Frère Lajard de Montpellier du 22 mars 1818 sur l’éternité des peines ».