S’est développée très tôt, dès les premiers siècles, une sensibilité chrétienne qui ne tira point de l’Écriture seulement son rapport à la Vérité, mais qui chercha à entrer dans une compréhension de la « Révélation » en se laissant guider et éclairer par « l’Esprit », aboutissant à une interprétation non pas littérale mais « spirituelle » du texte sacré.

La doctrine de l’Ordre n’est point conforme, du moins en apparence, à certaines affirmations immédiates de la Sainte Écriture, car cette dernière se doit d’être lue, non à un premier niveau « littéral », mais de façon « spirituelle », nous faisant accéder, selon Joseph de Maistre, à une « révélation de la Révélation » inconnue du plus grand nombre, connaissance que détenaient cependant certains chrétiens des premiers siècles : « Le christianisme dans les premiers temps, était une vraie initiation, où l’on dévoilait une véritable magie divine [1].»  

Maistre en conclut donc, dans ses registres, ce qui apparaît à l’évidence à l’examen, que la doctrine d’Origène, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, relativement à la chute d’Adam, l’origine du monde matériel, la destination finale du composé matériel, etc., « est encore aujourd’hui la base de toutes les initiations modernes. »

Mais comment donc, une doctrine qui, en apparence, n’est pas immédiatement définie dans l’Écriture, et qui, positivement, contredit certains dogmes des conciles, a-t-elle pu devenir la base de l’enseignement de certaines courants du christianisme, jusqu’à être aujourd’hui le noyau théorique d’une voie initiatique chrétienne ? [2]

Tout simplement parce que s’est développée très tôt, dès les premiers siècles, une sensibilité chrétienne qui ne tira point de l’Écriture seulement son rapport à la Vérité, mais qui chercha à entrer dans une compréhension de la « Révélation » en se laissant guider et éclairer par « l’Esprit », aboutissant à une interprétation non pas littérale mais « spirituelle » du texte sacré, interprétation qui put même aller jusqu’à se trouver en contradiction avec le premier niveau de lecture des écrits canoniques [3].

L’idée qu’il convient donc de conserver, lorsqu’on se trouve en présence de cette doctrine, telle que formulée par Maistre, est celle-ci : « le Christ n’a pas laissé un seul écrit il a promis le Saint-Esprit », et de ce constat on aboutit à cette conviction : « Le Christ n’a pas laissé un seul écrit à ses apôtres. Au lieu de livres il leur promit le Saint-Esprit. C’est lui, leur dit-il, qui vous inspirera ce que vous aurez à dire. [4]

Le Phénix Renaissant, « Régime Écossais Rectifié et christianisme transcendant », n° 4, 2018, pp. 65-67.

Notes.

[1] J. de Maistre, Mélanges B,  2 décembre 1797.

[2] Ceci expliquant pourquoi, si la doctrine d’Origène, a été placée à l’intérieur de certaines structures initiatiques où elle a désormais autorité, c’est qu’il y a une raison, et l’on ne peut décider du haut de son tribunal personnel, du moins si l’on est membre de ces Ordres, d’en modifier les fondements théoriques ; en effet, les « fondements doctrinaux » origéniens et martinésiens, qu’ils heurtent, ou non, les enseignements conciliaires, sont non modifiables, et nul n’est qualifié, pour en modifier la substance.

[3] Si Origène insista comme il le fit sur la nécessité d’une approche non littérale, « spiritualisée », allégorique, symbolique et métaphysique de l’Écriture, cette montée purificatrice se constate également chez saint Jérôme de Stridon (347-420), saint Basile de Césarée (330-379), saint Hilaire de Poitiers (310-368), saint Thomas d’Aquin (1225-1274), saint Bonaventure (+ 1274), etc.

[4] J. de Maistre, Essai sur le principe générateur des constitutions politiques, (1809).