« L’homme primitif, le premier Adam, ayant trahi et renversé par l’abus de sa liberté, par le mauvais usage qu’il avait fait de sa volonté et de toutes ses facultés, tous les desseins de la Miséricorde sur les premiers coupables, avait provoqué contre lui-même les rigueurs de la Justice divine. Cet abus de sa liberté et de sa volonté ne pouvait donc être réparé que par un être de la même Classe, de la même nature, que par un homme pur, accepté pour victime, et dont la parfaite soumission pût apaiser et satisfaire la Justice divine..

Les hébreux furent préservés du jugement en Égypte, traversèrent à sec la mer rouge, reçurent la manne au désert, et alors même que Dieu était présent au milieu de son peuple, Moïse put entendre la voix de l’Éternel sur le mont Sinaï ; puis les douze tribus, sous la conduite de Josué, entrèrent en terre promise Mais qu’adviendra-t-il, comment Dieu fut-il remercié ? Par la désobéissance et la trahison, l’idolâtrie et la corruption des mœurs.

Plus tard c’est le Fils de Dieu en personne qui, par amour et compassion, vint parmi les siens, délivrant un message de bienveillance et de tendresse pour la misère de l’homme, guérissant les malades soulageant les malheureux et les pauvres, or, comme personne avant lui – alors que sentant venir l’heure de sa « Passion » il priait en larmes pendant que dormaient ses disciples [1]-, il subira un châtiment infâme et indigne, on le cloua sauvagement et honteusement sur une Croix, le suppliciant comme une bête d’élevage, le sacrifiant à l’image d’un agneau innocent et sans défense.

Enfin, après la Résurrection, à la Pentecôte, le Saint Esprit fut octroyé aux disciples, les lumières de l’Évangile annoncées aux nations, les promesses du Salut prêchées sur toute la terre. Malgré cela, l’homme depuis deux mille ans est-il vraiment meilleur, est-il réellement plus sage, plus raisonnable, plus charitable que lors des siècles passés ? N’assistons-nous pas à l’inlassable répétition des comparables abjections, à l’étalage scandaleux de la plus ignoble corruption, au triomphe général de la tyrannique cruauté et à la domination absolue du mensonge et du vice à un niveau jamais égalé depuis le commencement des temps, comme si les forces de l’adversaire de Dieu, retrouvant la complicité de son misérable allié en Éden, rendues folles et ivres de colère, se déchaînaient avec une rage accrue et redoublée  ?

Il semble même que le christianisme ait rendu plus féroces, plus tyranniques, plus criminels encore les hommes qui portent le nom de « chrétiens » ; il suffit pour s’en convaincre de songer que les guerres les plus meurtrières, les abominations les plus innommables ont quasiment toutes été perpétrées par des peuples appartenant à des nations de longue date converties au christianisme, le spectacle que nous livre le lassant rappel de toutes ces effroyables  exactions – et la permanente actualité du démentiel spectacle qu’offre notre société moderne, ne vient pas démentir les récits du passé -, étant proprement ahurissant, désespérant et profondément humiliant pour l’espèce humaine dite « civilisée » (sic).

Et la cause en est simple, elle provient de l’action corrosive de l’oubli sur l’esprit de l’homme, action qui lui fait abandonner et perdre l’ensemble des lois divines contractées lors de son baptême, au profit des lois inversées du monde, usant indument de sa liberté pour accroître son éloignement à l’égard du Ciel, cet état de fait se reproduisant depuis l’aube des temps à chaque période temporelle et générationnelle, expliquant d’ailleurs pourquoi il fallait que le Christ « répare » – d’où sa désignation si juste et exacte de « Divin Réparateur » -, l’usage faussé qu’Adam et sa postérité firent de leur liberté et de leurs facultés intellectuelles de « Pensée », « Volonté » et « Action » : « L’homme primitif, le premier Adam, ayant trahi et renversé par l’abus de sa liberté, par le mauvais usage qu’il avait fait de sa volonté et de toutes ses facultés, tous les desseins de la Miséricorde sur les premiers coupables, avait provoqué contre lui-même les rigueurs de la Justice divine. Cet abus de sa liberté et de sa volonté ne pouvait donc être réparé que par un être de la même Classe, de la même nature, que par un homme pur, accepté pour victime, et dont la parfaite soumission pût apaiser et satisfaire la Justice divine… [2]

Le Phénix Renaissant, « La Science de l’Homme», Éclaircissements sur la double nature, n° 5, 2019, pp. 59-62

Notes.

[1] Jean-Baptiste Willermoz, décrit admirablement la scène qui s’est déroulée dans le Jardin des Oliviers à Gethsémani, où le Christ se trouva si seul face aux terribles événements qu’il avait à affronter : « […] suivons-le dans le Jardin des Oliviers, suivons-le dans cette agonie mortelle pendant laquelle il fait l’entier sacrifice réparateur de sa volonté humaine qui doit précéder le sacrifice de sa vie même, par la mort qu’il subira le lendemain. C’est là que nous allons retrouver Jésus seul, paraissant abandonné du Ciel et de la Terre, abandonné de ses disciples chéris qu’il venait de nommer ses amis, qui restent ensevelis dans un profond assoupissement lorsqu’il a le plus grand besoin des secours, des consolations de leur amitié. […] Il se lève pour aller vers ses disciples qu’il trouve endormis si près de lui. Il vient se prosterner une seconde fois, accablé de la même tristesse, éprouvant la même répugnance, formant la même demande, mais soumettant de même sa volonté à la volonté de Dieu. Il retourne vers ses disciples qu’il trouve dans le même état…» (J.-B. Willermoz, Traité des deux natures divine et humaine réunies individuellement pour l’éternité en un seul et même être dans la personne de Jésus-Christ, op.cit.)

[2] Ibid.