« Dieu a donc fait le monde présent, et il a lié l’âme au corps, pour son châtiment […] Il est évident qu’il y a une préexistence des péchés pour les âmes, péchés selon lesquels chaque âme reçoit ce qui est juste. Elles sont envoyées loin de Dieu pour leur châtiment, […] l’âme est liée, enchaînée dans le corps… »

La position d’Origène († 253) – que nous connaissons par Léonce de Byzance (480-543) qui a reproduit un passage censuré  du Péri Archôn, fait état d’une adhésion positive, et sans ambigüité aucune, chez l’alexandrin chrétien, à la thèse postulant en la « préexistence des âmes ».

Cette position permet seule d’expliquer les raisons, incompréhensibles autrement, d’une inégale situation lors de l’arrivée en ce monde des âmes, et de cette force évidente du mal qui les imprègne, ceci dès les premiers instants de la vie : « Avant la création du monde, toutes les substances intellectuelles étaient pures, — les démons, les âmes et les anges ; elles servaient Dieu et observaient ses commandements. Mais le diable, qui avait son autonomie, voulut s’opposer à Dieu ; et Dieu le repoussa ; toutes les autres puissances se détournèrent avec lui ; les unes péchèrent beaucoup, elles devinrent les démons ; d’autres moins, elles devinrent les anges ; d’autres encore moins, les archanges ; et ainsi chacune reçut une condition proportionnée à son propre péché [1].»

Origène poursuit :

« Restaient les âmes, qui n’avaient pas commis un péché assez grand pour devenir démons, ni assez léger pour devenir des anges. Dieu a donc fait le monde présent, et il a lié l’âme au corps, pour son châtiment […] Si cela n’était pas, et si les âmes ne préexistaient pas, pourquoi trouverions-nous certaines, qui viennent de naître, aveugles, alors qu’elles n’ont péché en rien, et d’autres hommes, qui n’ont rien, faisant le mal ? Il est évident qu’il y a une préexistence des péchés pour les âmes, péchés selon lesquels chaque âme reçoit ce qui est juste. Elles sont envoyées loin de Dieu pour leur châtiment, pour recevoir ici-bas un premier jugement ; c’est pourquoi le corps est appelé aussi, parce que l’âme est liée, enchaînée dans le corps [2]

On remarque en conséquence de ce fait bien des points de similarité entre Origène et la vision doctrinale de Martinès de Pasqually reprise par Jean-Baptiste Willermoz, en particulier s’agissant de cette idée que l’âme est insérée dans un corps pour son châtiment, en raison d’une faute antérieure, pâtissant un « enchaînement » dans une enveloppe charnelle afin de répondre à un péché commis dans les régions célestes.

Le Phénix Renaissant, « L’immortalité de l’âme, son ‘‘émanation’’ et sa ‘‘réintégration’’ selon le Régime Écossais Rectifié », n° 7, 2021, pp. 112-113.

Notes.

[1] Sectis, Act. X, v 29.

[2] Ibidem.