« L’âme est chose divine […] Dans l’âme elle-même, qui n’est point parfaitement simple, il faut distinguer du moins divin et du plus divin, et c’est par ce qu’il y a en elle de plus divin que l’âme est apparentée à la nature divine… »

À l’époque de sa formation Origène († 253) dont on peut dire que les thèses se retrouvent dans la doctrine du Régime Écossais Rectifié, a été en contact de penseurs nourris du courant orphique, des néo-pythagoriciens, de la cosmo-théologie des stoïciens, des écrits de Philon d’Alexandrie ( † 45), influences qui vont jouer un rôle majeur dans les réflexions de l’auteur du Traité des principes.

Plotin († 270), qui hérita lui aussi de l’ensemble de ces conceptions et baigna dans ce climat intellectuel platonicien, en réalisa une synthèse remarquable, et formula sa conception singulièrement originale, dont il est frappant de constater qu’elle rejoint sur bien des aspects et de nombreux points précis, les conclusions d’Origène, soutenant que les « âmes particulières », c’est-à-dire l’âme présente en chacun des êtres vivants, « procèdent de l’Âme universelle », ce qui signifie que cette procession doit se penser, lorsqu’il y a éloignement, en terme de « descente » vers la multiplicité et la contingence, ou dans le cas d’une « remontée », d’un « retour » à leur nature originelle dans une communion de substance à substance retrouvée.

Le mot « réintégration » n’est certes pas employé dans ce passage de Plotin, mais ne nous y trompons-pas, c’est bien de cela dont il s’agit, car toute la pensée philosophique de Plotin, n’est rien d’autre qu’un vibrant appel à la « réintégration » des âmes dans leur primitive origine, qu’une invitation pressante à ce que chaque parcelle de la substance divine retrouve sa nature véritable en se libérant des fers de la matière.

Il importe donc d’admettre que l’âme est immortelle car elle est d’essence divine, sa participation à cette essence étant une participation de « nature », ce qui signifie que l’âme partage avec le Divin une identique substance incréée et éternelle :  « L’âme est chose divine […] Dans l’âme elle-même, qui n’est point parfaitement simple, il faut distinguer du moins divin et du plus divin, et c’est par ce qu’il y a en elle de plus divin que l’âme est apparentée à la nature divine [1]. »

L’identité de nature implique en conséquence une identité de propriétés, et si le Divin n’est pas soumis à la dégradation et à la mort, s’il fut toujours, depuis toujours et pour toujours, et que jamais il ne fut un temps où il n’était point, alors, de même, l’âme ne saurait être affectée par les vicissitudes de la temporalité, dont la première d’entre elles est celle d’apparaître à l’existence après ne pas avoir bénéficié de « l’être » pendant un temps antérieur. Il ne peut y avoir un « néant » précédant l’être, ni pour l’âme ni pour quoi que ce soit, car du néant rien ne vient ; l’âme est ainsi une expression parcellaire d’une unique substance dont elle est issue, dont elle provient et doit retourner […]  elle est sans commencement car depuis toujours elle fut unie en Dieu, ou plus exactement identifiée à Dieu, dont elle émane directement comme la vague est intimement liée et reliée à la mer ; expression de « l’union » sans distinction du même avec le même.

Le Phénix Renaissant, « L’immortalité de l’âme, son ‘‘émanation’’ et sa ‘‘réintégration’’ selon le Régime Écossais Rectifié », n° 7, 2021, pp. 76-79.

Note.

[1]  R. Arnou, Le désir de Dieu dans la philosophie de Plotin, Félix Alcan, 1921, pp. 113-114.