La vie de l’esprit, contrairement à la vie universelle passive qui appartient à la matière dégradée, impure et soumise à la corruption, n’est pas le fruit d’une « création », mais d’une « émanation » – distinction importante,  car « émanation » et « création » sont situées à une grande distance substantielle infranchissable -, une « vie » donc, provenant de l’Être incréé, possédant, comme Dieu, l’immortalité et l’incorruptibilité

Jean-Baptiste Willermoz, dans les « Cahiers doctrinaux » réservés à certains Frères déjà avancés dans l’Ordre, fournira une explication relativement approfondie s’agissant des deux « vies » distinctes qui composent le « mineur spirituel », c’est-à-dire l’homme qui, après sa prévarication, s’est retrouvé dans une situation divisée, partagée, à l’intérieur de laquelle les tendances opposées et contradictoires, se livrent un combat permanent.

Ce combat exige conséquemment de la part de la créature déchue ayant été placée dans une enveloppe matérielle, un travail, une rigueur, une discipline continuelle, afin de percevoir et identifier parfaitement ce qui en elle relève de l’une ou de l’autre vie, de l’une ou de l’autre de ses natures, de sorte d’éviter les pièges qui s’ouvrent à chaque instant devant elle, et de placer, entièrement, son unique espérance et son existence, dans les mains du Créateur, et non dans celles de « l’Adversaire » du genre humain.

Pour mieux éclairer le sujet, éminemment important, Willermoz nous offre un exposé assez détaillé de l’origine de notre situation, commençant sa démonstration par la « vie de l’esprit », vie incréée, émanée du sein de Dieu, vie incorruptible, éternelle en lien étroit et intime avec l’intelligence active dont elle témoigne par sa « Présence », étant « l’Être » de notre être, notre vraie substance et authentique nature originelle, soulignant que la vie de l’esprit, contrairement à la vie universelle passive qui appartient à la matière dégradée, impure et soumise à la corruption, n’est pas le fruit d’une « création », mais d’une « émanation » – distinction importante, ce point étant fondamental sur le plan ontologique, car « émanation » et « création » sont situées à une grande distance substantielle infranchissable -, une « vie » donc, provenant de l’Être incréé, possédant, comme Dieu, l’immortalité et l’incorruptibilité, vie « immortelle, indestructible, intelligente et active », qui « pense, veut, agit et discerne », ce en quoi elle est bien, en sa nature originelle première, « image et ressemblance de son principe générateur [1]. »

Quant à la vie passive, ou « animale », assimilable à « l’âme universelle du Monde créé », ce qui signifie qu’elle possède une universalité et n’est propre à aucun homme en particulier tout en étant donnée à chacun en héritage de la désobéissance d’Adam, elle n’est qu’éphémère ; c’est une vie passagère qui nous est, en fait, totalement étrangère au regard de notre état primitif, mais dont nous sommes revêtus de par les conséquences de la prévarication, vie pesante, contraignante, rendant extrêmement compliqué notre rapport au monde, et plus qu’éprouvante notre existence en cette région matérielle temporelle.

Le Phénix Renaissant, « La Science de l’Homme», Éclaircissements sur la double nature, n° 5, 2019, pp. 36-37.

Note.

[1] Jean-Baptiste Willermoz,  9ème Cahier, op.cit.