« Adam, tenté et séduit par le Démon, pèche grièvement par ses facultés de Pensée, de Volonté et d’Action. La multitude innombrable de sa classe en acquiert au même instant connaissance et pèche autant qu’elle en est capable. Les uns la repoussent de toute leur Volonté, d’autres y adhèrent plus ou moins, d’autres aussi y adhèrent de tout leur Vouloir. Ne pourrait-on pas voir dans les premiers les Justes ou les Prédestinés ou les Bénis de mon Père, dans les Seconds la tourbe des humains entraînés par les plaisirs et les séductions du Monde et dans les troisièmes les plus grands coquins, les plus grands scélérats des divers siècles ? Toute la classe est donc souillée par la prévarication de l’homme… »

La facilité avec laquelle tous les descendants de notre premier père selon la chair, Adam, s’illusionnent en répandant autour d’eux-mêmes un épais écran de fumée singulièrement opaque, en s’imaginant – dans leur triste refus d’admettre les évidences, et leur négation permanente de l’infecte situation dans laquelle ils croupissent -, dotés d’une dignité factice alors qu’ils sont, le plus souvent, soumis à leurs instincts animaux, explique les raisons qui ont conduit tant d’âmes à la mise en échec et à la désorientation radicale, entraînant, quasi toujours et invariablement, dans son noir sillage ténébreux, une rigoureuse et impitoyable disqualification précipitant à une vitesse accélérée qui n’est pas sans être impressionnante, dans les profonds abîmes de la fétide corruption, les éloignant brutalement du chemin initiatique qui ne connaît, pour avancer sérieusement et authentiquement, que la confession de ses fautes face au Ciel, l’humiliation devant ses horribles péchés, le retour sur ses ignobles manquements, et la pitoyable petitesse de sa native et chétive faiblesse.

La racine de corruption est inscrite si profondément à l’intérieur de l’essence de l’humaine nature de par la prévarication originelle, dont le cortège abominable de l’insoumission, du mensonge,  de la violence, de la barbarie et du crime, constitue l’atmosphère lugubre qui entoure toutes les entreprises engendrées par les générations qui sont succédées depuis le commencement des temps et la rupture du lien sacré avec Dieu en Éden [1], nécessite d’être lucidement regardée et envisagée afin de la corriger par l’exercice des vertus et la contraindre par le scrupuleux respect de la discipline morale et religieuse, l’entourant d’un cadre strict constitué par des règles précises et sévères, quoique sages et prudentes, afin de rendre possible une élévation des âmes qui aspirent à la contemplation des régions incorruptibles où règne la « Paix des anges ».

Le Phénix Renaissant, « La Science de l’Homme» Éclaircissements sur la double nature, n° 5, 2019, pp. 16-17.

Note.

[1] « Adam, tenté et séduit par le Démon, pèche grièvement par ses facultés de Pensée, de Volonté et d’Action. La multitude innombrable de sa classe en acquiert au même instant connaissance et pèche autant qu’elle en est capable. Les uns la repoussent de toute leur Volonté, d’autres y adhèrent plus ou moins, d’autres aussi y adhèrent de tout leur Vouloir. Ne pourrait-on pas voir dans les premiers les Justes ou les Prédestinés ou les Bénis de mon Père, dans les Seconds la tourbe des humains entraînés par les plaisirs et les séductions du Monde et dans les troisièmes les plus grands coquins, les plus grands scélérats des divers siècles ? Toute la classe est donc souillée par la prévarication de l’homme, les plus justes restent chargés d’une grande solidarité pour les plus coupables, et il faudra que tous en acquittent leur part par leur séjour plus ou moins prolongé dans l’incorporisation matérielle et dans la mort corporelle qu’ils devront y subir, comme dans les peines expiatoires et purificatoires que la Miséricorde leur destine après le mort […].» (Jean-Baptiste Willermoz, Lettre à Jean de Turckheim, 18 août 1821).