Lorsque les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses vêtements et firent quatre parts, une part pour chaque soldat, et la tunique. Or la tunique était sans couture, tissée d’une pièce à partir du haut ; ils se dirent donc entre eux : ‘Ne la déchirons pas, mais tirons au sort qui l’aura’’ : afin que l’Écriture fût accomplie : ‘‘Ils se sont partagés mes habits, et mon vêtement, ils l’ont tiré au sort’’ . (Jean XIX, 23-24).

            Le  but de Jean-Baptiste Willermoz et des Frères réunis autour de lui au moment du Convent des Gaules en 1778, fut de tenter de recoudre le manteau sans couture du Christ [1], tristement déchiré et abîmé par les opinions divergentes qui n’eurent de cesse de diviser et opposer les chrétiens, les conduisant jusqu’à des guerres folles, qui prirent constamment le visage hideux de violentes luttes doctrinales, et même très souvent se transformèrent en des combats militaires ce qui est tout à fait invraisemblable, pour ceux se déclarant disciples de Celui qui fit de « l’Unité », l’objet central de ses exhortations, et se donnant en sacrifice, précisément pour « rassembler les enfants de Dieu » : « Jésus allait mourir pour la Nation, et non pas pour la Nation seulement, mais encore afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jean XI, 51-52).

            Appelant, dans les instants si exceptionnels et impressionnants de la dernière cène, la veille de sa crucifixion, à « l’Unité » toutes les âmes qui croiront en Christ, pour que tous soient « Un », « comme », et l’expression est loin d’être anodine, le Père est en son Fils, et le Fils est en son Père  : « Je ne prie pas pour eux seulement, mais aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi, afin que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jean XVII, 20-21).

          Il s’agissait, certes, de retrouver « l’Unité primitive » de la franc-maçonnerie, mais surtout, d’en découvrir les « traces précieuses », son « but » et son « berceau », qui se situent, bien évidemment, en Adam lors des premiers temps de son « émanation » avant sa prévarication, et son incorporisation dans une forme de matière impure et dégradée, recouvert « d’habits de peau » (Genèse III, 21) [2], mais également, dans le christianisme originel, d’où proviennent concrètement, les sources des mystères de l’initiation.

Le Phénix Renaissant, « Régime Écossais Rectifié et christianisme transcendant », n° 4, 2018, pp. 96-98.

Notes.

[1] « Lorsque les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses vêtements et firent quatre parts, une part pour chaque soldat, et la tunique. Or la tunique était sans couture, tissée d’une pièce à partir du haut ; ils se dirent donc entre eux : ‘‘Ne la déchirons pas, mais tirons au sort qui l’aura’’ : afin que l’Écriture fût accomplie : ‘‘Ils se sont partagés mes habits, et mon vêtement, ils l’ont tiré au sort’’ ». (Jean XIX, 23-24).

[2] C’est ce que décrivit parfaitement Émile Dermenghem (1892-1971), lors de la publication en 1928, de son Joseph de Maistre Mystique : « C’est une idée analogue que Joseph de Maistre suggère lorsqu’il parle des « habits de peau » (note 3. Soirées, IIe entr., p. 292). La Genèse appellerait ainsi selon l’interprétation théosophique, les corps matériels actuels dont Adam et Ève furent revêtus après la chute […] Il cite Maïmonide, et Platon (l’homme double du Banquet). Cf. ci-dessus, IIIe partie, chap. I), ajoute Maistre, cita ces paroles dans le siècle suivant avec quelques altérations ; il cite une réponse semblable du Sauveur à Salomé qui lui faisait même question : ‘‘Lorsque vous aurez déposé le vêtement de honte et d’ignominie (il s’agit évidemment du corps actuel) ; lorsque les deux deviendront uns…» (É. Dermenghem, Joseph de Maistre Mystique, La Connaissance, 1923, pp. 292-293).