Jean-Baptiste Willermoz souhaita conserver les mystères du christianisme face à l’atmosphère de déisme, de relativisme et de libre-pensée, qui s’étendait de toutes parts en Europe au XVIIIe siècle.

Il n’est pas anodin de voir combien, dans la Règle maçonnique, comme s’il s’agissait de faire pièce à leurs arguments, est fustigée l’incrédulité en des termes relativement rudes : « Plaire à ton Dieu, voilà ton bonheur ; être réuni à jamais à Lui, voilà toute ton ambition, la boussole de tes actions. Mais comment oserais‐tu soutenir ses regards, Être fragile qui transgresse à chaque instant ses lois et offenses sa sainteté, si sa bonté paternelle ne t’eût ménagé un réparateur infini ? Abandonné aux égarements de ta raison, où trouverais‐tu la certitude d’un avenir consolant ? Livré à la justice de ton Dieu, où serait ton refuge ? Rends donc grâce à ton Rédempteur ; prosterne toi devant le Verbe incarné, et bénis la Providence qui te fit naître parmi les chrétiens.» [1]

Ces mots, que l’on prononce au nouvel Apprenti, il convient d’en être conscient, ne sont pas placés innocemment à cet endroit du rituel.

En effet le Régime Écossais Rectifié qui fut constitué au XVIIIème  siècle, surgit sur la scène de l’histoire maçonnique en une période, le siècle des Lumières, où régnait un puissant courant de contestation et négation des vérités enseignées par la religion, et son but fut tout autant de réformer la maçonnerie écossaise en situation d’interrogation sur ses origines et ses buts afin de lui conférer un corps de doctrine dont elle était dépourvue, que d’œuvrer à maintenir, parmi les chrétiens qui l’étaient de moins en moins, une compréhension des grands principes de la Révélation qui leur devenaient, à la faveur de l’esprit du temps, plus encore étrangers et obscurs de jour en jour.

De ce fait, nous pourrions sans doute parler, s’agissant de l’entreprise de Jean-Baptiste Willermoz, d’une authentique intention de conservation des mystères du christianisme face à l’atmosphère de déisme, de relativisme et de libre-pensée qui s’étendait de toutes parts en Europe, et il n’est pas excessif de considérer, de ce point de vue, que la fonction initiatique propre du Régime Rectifié est de nature profondément spirituelle et, osons le mot, « religieuse », au sens de maintien et transmission de la science divine primitive. [2]

Le Phénix Renaissant, n° 3, « Le devenir du Régime Écossais Rectifié », 2017, pp. 21-23.

Notes.

[1] Règle maçonnique, à l’usage des Loges Réunies et Rectifiées, Article I, ‘‘Devoirs envers Dieu et la Religion’’.

[2] Dans sa Préface aux « Leçons de Lyon », Robert Amadou (1924-2006), affirme clairement que le Régime Rectifié, qui n’est pas, à l’évidence, un Rit maçonnique comme les autres : « renferme  les connaissances mystérieuses et la  science religieuse de l’homme » selon la doctrine de Martinès de Pasqually, le distinguant de la maçonnerie dite « apocryphe » non détentrice de la science de la réintégration. Il poursuit : « […] De par la volonté de Willermoz, son auteur et son metteur en scène, à visage presque découvert, l’Ordre substitué [le Régime Écossais Rectifié] dispense la partie scientifique de la maçonnerie primitive, la science religieuse de l’homme, qui transite par le monde et que Dieu aime, la réintégration du créé dans le néant et des émanés en leur source éternelle. Parce qu’elle est science de l’homme et science non humaine cette science est universelle.» (R. Amadou, Préface, in Les Leçons de Lyon aux élus coëns, Un cours de Martinisme au XVIIIe siècle, par Louis-Claude de Saint-Martin, Jean-Jacques du Roy d’Hauterive, Jean-Baptiste Willermoz, Première édition complète publiée d’après les manuscrits originaux, Paris, Éditions Dervy, 1999, pp. 58-59).