« Tout ce monde visible n’est fait que pour le siècle éternel où rien ne passera plus : tout ce que nous voyons n’est que la figure et l’attente des choses invisibles […] Dieu n’agit dans le temps que pour l’éternité. »

L’éternité n’existe pas en dehors de Dieu, c’est pourquoi saint Thomas d’Aquin (+ 1274) dit de façon remarquable : « l’éternité de Dieu n’est pas autre chose que Dieu Lui-même »  [1] ; l’éternité est à la fois Dieu, et « l’Être de Dieu », elle est ce dont tout provient, et le « néant » d’avant le temps, lorsque rien n’était.

Ce jugement n’est pas sans évoquer un passage des Sermons de Jean-Baptiste Massillon (1663-1742), que Joseph de Maistre (1753-1821) affectionnait, et qu’il plaça dans ses Soirées de Saint-Pétersbourg : « Tout ce monde visible n’est fait que pour le siècle éternel où rien ne passera plus : tout ce que nous voyons n’est que la figure et l’attente des choses invisibles […] Dieu n’agit dans le temps que pour l’éternité. » (Massillon, Sermon sur les afflictions, IIIème  partie) [2]

Saint Augustin (+ 430), s’inspirant de la doctrine du Timée de Platon (+ – 348 av. J.-C.) [3], nous délivre également à ce sujet une précieuse indication dans La Cité de Dieu : « Il est indubitable, écrit-il, que le monde n’a pas été créé dans le temps, mais avec le temps : car ce qui se fait dans le temps se fait après et avant quelque temps, après le temps passé et avant le temps à venir. Or, avant le monde, il ne pouvait y avoir aucun temps passé, puisqu’il n’y avait point de créature dont les mouvements pussent mesurer le temps. Le monde a donc été créé avec le temps, puisque le mouvement a été créé avec le monde, comme cela est visible par l’ordre même des six ou sept premiers jours, pour lesquels le soir et le matin sont marqués, jusqu’à ce que l’œuvre des six jours fût accomplie et que le septième jour fût marqué par le grand mystère du repos de Dieu [4].»

C’est pourquoi, le temps est intrinsèquement lié au monde crée, il est constitutif de ce monde, il est ce monde, mais avant ce monde point de temps, et avant le temps point de monde, le contact entre le « rien » et « l’être », entre le « néant » et « l’existence », c’est « l’éternité infinie » de Dieu, c’est l’éternité en tant que substance insubstantielle de « l’Être éternel et infini, qui a donné l’être à tout ce qui existe » selon Jean-Baptiste Willermoz (+ 1824),  un Être « n’ayant ni commencement ni fin », qui « d’éternité en éternité est Dieu. » (Psaume XC, 2), qui toujours fut et sera, mais dans une durée qui ne se situe pas dans le temps, dans l’infinité d’un non-temps éternel, « intemporel ».

Le Phénix Renaissant, « L’Être éternel et infini et le Régime Écossais Rectifié », n°6, 2020, pp. 65-66.

Notes.

[1] Saint Thomas, Somme théologique Ia q10 a2.

[2] Soirées de Saint-Pétersbourg (Xème Entretien).

[3]  « Le temps a donc été fait avec le monde, afin que, nés ensemble, ils finissent aussi ensemble, si jamais leur destruction doit arriver. » (Platon, Timée, in. O.C., t. XII, p. 131).

[4] S. Augustin, La Cité de Dieu, Livre XI, ch. VI.