Le monde matériel provenant du néant, est appelé à y retourner pour s’y dissoudre et disparaître à tout jamais, nous mettant en présence d’une réalité factice et illusoire – c’est-à-dire en effet « apparente » -, identique au non-être ou au « rien » (nihil), dans la mesure où elle ne possède pas, en elle-même, son origine et sa substance, n’ayant ni la capacité de se soustraire à son anéantissement, ni les moyens de percer à jour la cause première placée à la source de la manifestation.

Deux ordres de réalité que tout oppose traversent l’homme, le déchirent, le partagent, générant en lui des contradictions permanentes, des hésitations, des doutes, des repentirs, des angoisses et des effrois, et cela de son premier jusqu’à son dernier souffle, car tout est en lutte, non seulement à l’intérieur mais aussi à l’extérieur de l’homme, la loi dialectique des contraires ne cessant d’exercer son pouvoir sur chaque aspect du réel ; rien n’y échappe, rien n’est en mesure de s’y soustraire puisque la matière, dont tout est composé, est vouée à ce qui apparaît, croît se dégrade et meurt.

Immense et irréversible mouvement qui dicte et imprime inexorablement au monde créé sa détermination et ses obligations impératives, faisant que nous sommes, concrètement, placés dans un cadre où la dualité, c’est-à-dire, pour être clair, l’opposition radicale entre la région terrestre et la région céleste, se déploie de manière la plus rigoureuse et effective qui soit.

C’est pourquoi, les discours visant à relativiser cette opposition, qu’ils relèvent des vues consolantes ou des rêveries pieuses n’ont, strictement, aucun sens, ils peuvent tranquilliser l’esprit un instant, mais sont contredits constamment, et finalement déçoivent, en ramenant la créature à la dure expérience du réel, à la réalité dite, pour de justes raisons, « apparente », car ne possédant aucune consistance ontologique, une réalité matérielle destinée à la disparition, à la finitude et au néant ; un monde matériel provenant du néant, appelé à y retourner pour s’y dissoudre et disparaître à tout jamais, nous mettant en présence d’une réalité factice et illusoire – c’est-à-dire en effet « apparente » -, identique au non-être ou au « rien » (nihil), dans la mesure où elle ne possède pas, en elle-même, son origine et sa substance, n’ayant ni la capacité de se soustraire à son anéantissement, ni les moyens de percer à jour la cause première placée à la source de la manifestation.

Louis-Claude de Saint-Martin ne s’y trompe donc pas, et n’abuse pas pour rien et gratuitement du vocabulaire lorsqu’il parle de « la masse du néant dans lequel est absorbé tout [notre] être [1]», ou lorsque soutenant que « l’homme n’est, ne vit, et n’agit que dans la vanité et le néant [2]», car nous nous trouvons, objectivement, en présence d’une différence foncière entre deux règnes antagonistes, un règne fondé sur la lumière éternelle de la Vérité, et un autre dominé par la nuit mortifère du néant, un règne qui possède sa vie hors de ce monde infecté par la matière, un autre règne qui est né de la corruption et ne se complait que dans l’obscurité ténébreuse.

Le Phénix Renaissant, « La Science de l’Homme», Éclaircissements sur la double nature, n° 5, 2019, pp. 29-31.

Notes.

[1] L.-C. de Saint-Martin, Le Nouvel homme, § 1, 1790.

[2] Ibid., § 23.