« Le sacrifice de la volonté propre et l’entière abnégation de soi-même sont cependant si nécessaires à l’homme, qu’il ne doit pas espérer sa parfaite réhabilitation tant que ce sacrifice n’aura pas été fait, complété et accepté par la Justice. La vie entière lui est donnée pour lui apprendre à le faire, mais souvent et presque toujours il arrive à son terme avant de l’avoir bien commencé, et il reste bien à plaindre… »

Il s’agit de réaliser le chemin inverse de celui d’Adam. Si Adam perdit son état glorieux en faisant un mauvais usage de sa volonté, il nous faut alors, accepter le sacrifice de notre propre volonté, dans un sentiment « d’entière abnégation », en nous résignant sincèrement à la volonté de l’Éternel en prononçant intérieurement constamment, et en toute conscience, cette parole du « Pater Noster » :

« Fiat volontas tua »

(Matthieu VI, 10)

Et cette demande n’est pas simplement la récitation, tant de fois prononcée, d’une prière figurant dans le texte évangélique, aussi vénérable soit-elle, c’est un « acte sacrificiel », c’est l’acte sacrificiel par excellence, celui par lequel la créature accepte de déposer ses prétentions et ses droits usurpés aux pieds du Créateur pour lui dire, Père, j’accepte d’abandonner ma volonté, j’accepte de ne rien vouloir, j’accepte ce que tu veux, j’accepte qu’advienne ce que tu auras décidé, prends ma vie, je te l’offre, prends mon esprit, il est à toi, prends mon âme, elle t’appartient.

À ce prix, et à ce prix seulement, s’accomplira la parfaite réhabilitation de l’être : « Le sacrifice de la volonté propre et l’entière abnégation de soi-même sont cependant si nécessaires à l’homme, qu’il ne doit pas espérer sa parfaite réhabilitation tant que ce sacrifice n’aura pas été fait, complété et accepté par la Justice. La vie entière lui est donnée pour lui apprendre à le faire, mais souvent et presque toujours il arrive à son terme avant de l’avoir bien commencé, et il reste bien à plaindre ; mais la divine Miséricorde toujours active en sa faveur, sans contrarier néanmoins les droits de la Justice, vient à son secours […] Le précepte d’une entière soumission à la volonté de Dieu et d’un parfait renoncement à soi-même est si absolu, et sa constante exécution est en même temps si difficile, qu’il paraît que notre divin Seigneur et unique Maître Jésus-Christ est venu sur la Terre pour nous l’enseigner autant par son exemple que par ses instructions. Quel plus grand exemple pouvait-il nous laisser que son consentement trois fois répété dans le Jardin des Oliviers de mourir ignominieusement sur une Croix, malgré la répugnance extrême que son humanité effrayée venait de manifester. Ô hommes, quelle leçon ! Méditez-la jour et nuit et ne la perdez jamais de vue [1]

Le Phénix Renaissant, « La Science de l’Homme», Éclaircissements sur la double nature, n° 5, 2019, pp. 79-80

Note.

[1] J.-B. Willermoz, Traité des deux natures divine et humaine réunies individuellement pour l’éternité en un seul et même être dans la personne de Jésus-Christ, Dieu et homme, Rédempteur des hommes, Souverain Juge des vivants et des morts, accompagné de réflexions sur la conduite de Pilate et d’une méditation sur le grand mystère de la Croix, Bibliothèque Municipale de Lyon,  Fonds Willermoz, ms 5940 n° 5.