Le christianisme, tel que nous le connaissons aujourd’hui, n’est qu’une véritable loge bleue faite pour le vulgaire ; mais il dépend de l’homme de désir de s’élever de grade en grade jusqu’aux connaissances sublimes, telles que les possédaient les premiers Chrétiens qui étaient de véritables initiés. C’est ce que certains Allemands ont appelé le christianisme transcendantal. »
L’enjeu doctrinal du Régime Rectifié a pour objet : la réintégration des êtres dans leur première propriété, vertu et puissance spirituelle divine, puisque ce Régime participe de l’expression la plus aboutie du courant « illuministe » français au XVIIIe siècle, et des thèses qui le fondaient en son essence, dont celles de Martinès de Pasqually.
Joseph de Maistre (1753-1821), qui fut membre en Savoie de la loge « La Sincérité », qui rejoignit la Réforme de Lyon en septembre 1778, nous renseigne sur ce qu’étaient les « illuminés » à cette époque :
« Je ne dis pas que tout illuminé soit franc-maçon : je dis seulement que tous ceux que j’ai connus, en Œuvres surtout, l’étaient ; leur dogme fondamental est que le christianisme, tel que nous le connaissons aujourd’hui, n’est qu’une véritable loge bleue faite pour le vulgaire ; mais qu’il dépend de l’homme de désir de s’élever de grade en grade jusqu’aux connaissances sublimes, telles que les possédaient les premiers Chrétiens qui étaient de véritables initiés.
C’est ce que certains Allemands ont appelé le christianisme transcendantal. Cette doctrine est un mélange de platonisme, d’origénianisme et de philosophie hermétique, sur une base chrétienne. Les connaissances surnaturelles sont le grand but de leurs travaux et de leurs espérances ; ils ne doutent point qu’il ne soit possible à l’homme de se mettre en communication avec le monde spirituel, d’avoir un commerce avec les esprits et de découvrir ainsi les plus rares mystères. Leur coutume invariable est de donner des noms extraordinaires aux choses les plus connues sous des noms consacrés : ainsi un homme pour eux est un mineur, et sa naissance, émancipation. Le péché originel s’appelle le crime primitif ; les actes de la puissance divine ou de ses agents dans l’univers s’appellent des bénédictions, et les peines infligées aux coupables, des pâtiments.
Souvent je les ai tenu moi-même en pâtiment, lorsqu’il m’arrivait de leur soutenir que tout ce qu’ils disaient de vrai n’était que le catéchisme couvert de mots étrangers […] J’ai eu l’occasion de me convaincre, il y a plus de trente ans dans une grande ville, qu’une certaine classe de ces illuminés avait des grades supérieurs inconnus aux initiés admis à leurs assemblées ordinaires ; qu’ils avaient même un culte et des prêtres qu’ils nommaient du nom hébreu cohen… [1]. »
Or cet enjeu, précisément, qui est le cœur même de la perspective du Régime Écossais Rectifié, permettant d’en comprendre l’origine, le sens et la vie – un enjeu doctrinal si souvent incompris, et parfois même, comme on a eu, hélas ! bien trop souvent à le déplorer depuis des décennies, nié, contourné, refusé, travesti, modifié, transformé et combattu pour des motifs divers, qui relèvent d’orientations « profanes », qu’elles soient issues de convictions politiques ou théologiques [2], et qui toutes, se caractérisent par leur refus d’accepter et de respecter l’enseignement de l’Ordre -, est ce qui représente la spécificité même du système édifié à Lyon en 1778, en le distinguant, radicalement, de tous les autres Rites maçonniques.
Le Phénix Renaissant, « 90ème anniversaire de la constitution du ‘‘Grand Directoire des Gaules’’, et ‘‘réveil’’ du Régime Écossais Rectifié en France (1935-2025) », n° 10, 2025, p. 22-23.
Notes.
[1] J. de Maistre, Les Soirées de Saint-Pétersbourg, XIe Entretien, 1821.
[2] Sur ce point, le Régime Rectifié est d’une rigueur tout à fait intransigeante, et ne permet point, à quiconque, d’aborder des sujets politiques ou théologiques, considérés, en effet, comme « profanes » dans les établissements de l’Ordre : « Malgré tous les rapports de l’institution primitive avec la religion, les lois maçonniques interdisent expressément dans les Loges toutes discussions sur les matières de religion, de politique, et de toutes ‘‘sciences profanes’’. Cette règle est infiniment sage et doit être bien conservée, car nos Loges sont partout des écoles de morale religieuse, sociale et patriotique, où l’on apprend à exercer la bienfaisance dans toute son étendue, et ne sont point des écoles de théologie, de politique, ni d’autres objets profanes. D’un autre côté, vu la diversité des opinions humaines dans tous les genres, ces lois ont dû interdire toutes discussions qui pourraient tendre à troubler la paix, l’union et la concorde fraternelle. En supposant même que le terme final de l’institution maçonnique pût donner à ceux qui l’atteignent des lumières suffisantes pour résoudre précisément les questions et discussions religieuses qui auraient pu s’élever entre les Frères, s’il leur était permis de s’y livrer, où serait, dans les Loges symboliques, le tribunal assez éclairé pour apprécier leurs décisions et les faire respecter ? Ainsi donc, nous le répétons, les lois qui interdisent expressément toutes discussions sur ces matières sont infiniment sages et doivent être rigoureusement observées. » (MS 5922/2 Bibliothèque Municipale de la ville de Lyon).